La parenthèse est close
C'était un 7 septembre. Il y a un an. Je commençais ce blog trois jours après mon arrivée en France, "Neuf jours depuis que la nouvelle m'a été révélée", disais-je alors. Il faisait beau, l'air était doux, et je me demandais si cette tumeur, ce lymphome de type B à grandes cellules, n'allait finalement pas laisser place à de belles choses dans ma vie. 179 messages plus tard, il fait toujours beau. L'air est toujours doux. Et je me prépare à refermer la parenthèse. Demain, à 11h50, mon avion décolle du tarmac de Bordeaux-Mérignac pour rejoindre celui de Pierre-Elliott Trudeau, là-bas, dans cette province que l'on dit belle et qui l'est. Assurément.
Je laisse derrière moi beaucoup de souffrance, de découragement, de tristesse et d'attente. Cela, je le sais. Ce que je sais moins, c'est ce qu'il y a devant. Un tep en novembre ou décembre. Oui, c'est une certitude. Le résultat ? Une inconnue de taille. Pourtant, je me sens plus léger. Comme si enfin, je pouvais refaire un peu confiance en l'avenir. Oh, rien n'est encore très abouti dans ma caboche, c'est plus un début de quelque chose, comme le premier dégel au début du printemps. Car j'ai encore peur. L'autre jour, je disais à Guillaume que j'avais l'impression de me retrouver dans la peau d'un prisonnier que l'on vient de libérer. Après avoir passé des mois, des années entre quatre murs, il faut réapprendre à vivre avec tout plein d'espace autour de soin... de SOI je veux dire (lapsus véritable), recommencer à prendre sa vie en main, à faire des projets, voir un peu plus loin que la simple survie quotidienne. Et cela, c'est tout bonnement effrayant.
Ce midi, Marion et moi avons mangé ensemble à la terrasse d'un pub irlandais. A côté de nous, comme un signe, trois Québécois sont venus s'asseoir. La parenthèse se referme...
Je ne peux toutefois mettre un point final sans remercier particulièrement plusieurs personnes qui m'auront au jour le jour aidé à surmonter la bête, à repousser cette noirceur de six lettres et qui m'ont amenées petit à petit à reprendre confiance.
Je pense en premier lieu à toi Marion, qui a été là dès le premier jour, et ce malgré toutes les difficultés liées à notre histoire commune, notre alors récente séparation, et ta vie à toi qui reprenait son cours. J'ai déboulé de nouveau sans trop te laisser le choix. Plusieurs fois, c'est auprès de toi que je suis allé pleurer, chez toi que j'ai laissé éclater mes rancoeurs et mes angoisses. Et tu as toujours su trouver les mots et l'attitude pour me rassurer. Aujourd'hui, on se quitte tristes. Tristes mais heureux.
Il y a toi Guillaume, mon poteau de toujours, qui malgré l'éloignement n'a jamais été aussi présent dans ma vie que depuis ces derniers mois. Paris-Bordeaux, tu l'auras fait plus d'une fois. Tes coups de fils, ton épaule parfois pour étancher nos larmes, ta main pour me hisser. Je savais que tu étais là. C'était suffisant.
Je pense à toi aussi Olivier, toi que j'ai découvert véritablement cette dernière année, et qui a été mon compagnon de tous les jours. Tes petites attentions, ta présence, nos fous-rires, nos confidences de trentenaires, nos envolées lyriques... A bientôt mon ami, sur les rives du St-Laurent, de Lisbonne ou de Salvador de Bahia.
Je pense à vous, Eva et Serge, pour ces beaux repas, ces discussions près des figuiers sur ma "rayure" au thorax et cette "petite boule" que l'on m'a enlevée après m'avoir fait un "petit trou". A vous aussi Lolo et Pouch, pour ces deux week-ends cayonnesques et lyonnais, dignes du grand mioufage. A toi Cédric, qui à l'issue de nos longues discussions, trouvait les mots pour éclairer un peu ma chandelle et retrouver ainsi le chemin. Mathieu, malgré la distance, toi aussi tu agitais ton bras. Et rien ne peut ce soir me faire plus plaisir que d'accepter d'être témoin à ton mariage. Et de l'autre côté de l'eau, loin, trop loin peut-être, il y a eu toi Caroline, avec tes sourires, tes soleils et tes pensées. La maladie et la distance n'ont pas facilité les choses. C'est ainsi. Mais tu m'as toi aussi permis de tenir durant de longs et difficiles mois.
Alors voilà, ce soir, j'achève mon récit. Je vais essayer de tirer un trait sur tout le gris pour ne garder que la belle lumière. Je quitte Bordeaux-City pour la rue de Bordeaux. Le parc Bordelais pour le Parc Lafontaine. Le bassin d'Arcachon pour la montagne royale. Autre chose m'attend. Papa, maman, je sais que vous êtes là aussi, tous les deux. Anxieux. Heureux. Tristes. Et ça va aller... Ca va bien aller.
La parenthèse est close. Point final.
Bordeaux, le mercredi 27 septembre 2006.
La parenthèse n'est plus. C'est désormais la Minute qui prend le relais.