Spirale et chocolat
Depuis quelques jours, j'essaye tant bien que mal de multiplier les activités afin de m'aérer la tête. Et ce avec plus ou moins de succès. Un temps, j'arrive à faire le vide, puis l'angoisse reprend le dessus. Je tâte ma gorge, ausculte du bout des doigts les moindres petites excroissances. Comme si je doutais que le traitement fonctionnait. Une spirale usante. Je n'arrive pas à rationaliser, ou si j'y parviens, c'est temporaire et pour retomber dans une gamberge que je sais inutile, mais dont je n'arrive à me départir. Je continue de prendre de temps un temps un Lexomil pour calmer cette montée en spirale. Mais je ne veux pas non plus tomber dans ce réflexe anti-dépressif cher à trop de Français. Un juste milieu à trouver, comme me le disait vendredi la maman d'Artgur, médecin. Pour elle, il ne faut pas non plus culpabiliser parfois d'avoir recours à ce genre de méthodes pour casser l'angoisse.
Bon, bref, c'est aussi pour cela que je dois me pousser au cul pour faire des choses, sortir du train-train de la maison, de ses murs et de cette ambiance qui est forcément celle avec laquelle je dois composer, mais dans laquelle je ne me reconnais pas. Je parle beaucoup avec papa ces derniers temps. Son esprit rationnel arrive à très bien faire la part des choses, mais mon inquiétude doit certainement être difficile à vivre pour lui. Idem pour maman, avec qui j'ai passé un long moment hier. Pas facile pour elle de me savoir chez papa. Elle me rappelle sans insistance aucune ou même lourdeur qu'elle a une chambre de libre si je le désire. Mais comme je lui dis, il n'y a pas de solution miracle. La présente solution est la meilleure, ou la moins pire.
Il y a également Caroline, toujours là de l'autre côté du fil. Nos conversations finissent tard dans la nuit, décalage oblige. Dernier service, vers les 1h30 du mat pour moi, alors que la maisonnée s'est un peu calmée pour elle, et que l'on peut parler tranquillement. Elle me parle d'elle, de sa journée, on plaisante, elle me botte le cul parfois, essaye de me remettre les pieds sur terre. Ou plutôt de m'élever vers la surface.
Ce matin, j'étais content de rejoindre Serge pour un rendez-vous culinaire un peu particulier, dès 8h30 du mat. Direction le Chapon Fin, l'une des cinq meilleures tables de Bordeaux, avec une matinée en compagnie du chef Nicolas Frion. L'hôte des lieux nous a reçus, nous deux et 6 autres gastronomes, dans une petite cuisine aménagée dans la cave, et a tenté en quatre heures de nous faire initier à sa vision de la cuisine. Bon, ça fait un peu bizarre de se retrouver à cuisiner du poisson à 9 heures le matin, mais franchement, ce n’est pas désagréable!
Pas guindée pour deux sous, sans fioritures, simple, logique, sa cuisine se veut surtout inventive et débarrassée des conventions. Les quelques autres personnes qui assistent au cours, un homme et cinq femmes, sont visiblement des habitués des grandes tables, genre bonne grosse bourgeoisie bordelaise. Il faut dire qu'au prix que coûte la matinée, on n’allait pas s'attendre à voir débarquer un bus de concierges.
La thématique était "Menu d'hiver", avec au programme la réalisation de :
Filet de maigre simplement rôti,
blé concassé aux oignons fanes
Magret de Canard,
pulpe de topinambours aux noisettes éclatées,
jus aux olives noires
Petit gâteau au chocolat noir et fruits de saison.
Le chef, âgé de la mi-trentaine, nous a donc préparé tout ceci devant nos yeux, en expliquant dans le détail de qu'il faisait. Il n'était pas question pour lui de nous apprendre comment cuisiner, mais nous montrer comment réaliser un menu gastronomique avec de bons produits, et démystifier en quelque sorte la grande cuisine. Avec à la clé, bien entendu, le plaisir de goûter aux plats ensuite. Mais là, ça ne se raconte pas. Ca se déguste!